Pourquoi le style capillaire de Jean-Michel Basquiat reste-t-il iconique ?

Le monde est parsemé d'œuvres d’art. Il y a dans leur grandeur quelque chose qui renvoie immédiatement le spectateur à lui-même, à ses propres questions. En plein milieu des années 70, un jeune New Yorkais d’origine haïtienne donne libre cours à sa créativité sur les murs d’une ville insalubre en pleine effervescence… Alors qu’il commence à graffer à proximité des galeries de Manhattan sous le pseudonyme de Samo* (Same Old shit *littéralement “toujours la même merde”) le talent particulier et les fresques du jeune Basquiat sont rapidement remarqués. Présenté sous forme d’exposition dans les galeries du coin, il ressent déjà le besoin d’exposer au monde sa vision et son message contemporain. La peinture deviendra le moyen de se faire une place.

Une sensibilisation à l’art et la culture

Ce qui frappe encore aujourd’hui dans les toiles de Basquiat, c'est le mélange d’influences. Des couleurs vibrantes primaires, des formes sûres et un tracé rapide. Comme s’il avait toujours été hanté par cette urgence de délivrer un message, comme s’il sentait que son passage sur terre allait être écourté. Cette fulgurante carrière aura été brève et n’aura finalement durée que neuf ans (il meurt à 27 ans) pourtant en si peu de temps, Jean-Michel Basquiat aura réussi à devenir l’un des peintres les plus emblématiques de sa génération. Une icône du genre et une figure majeure de la culture. C’est peut-être en partie dû à cette confiance en lui, un sentiment d’assurance et une aura nonchalante qu’il dégage très tôt. Sensibilisé à l’art durant son enfance, il est encouragé à développer ses talents de dessinateur pour s’exprimer. C’est après un grave accident de voiture qu’il appréhendera la réalité et l’ennui. Sa mère souffrant de troubles psychiatriques, il est confié à la garde de son père avec qui il part vivre deux ans à Porto Rico. Ce parcours morcelé évoque les prémices de ce que sera plus tard le style Basquiat. Une addition de pièces colorées et contrastées. Son trait faussement naïf, celui d’un “enfant mature” pourrait laisser penser à un esprit décousu, mais il donne pourtant rapidement le sentiment d’être compris par le plus grand nombre. C’est cette maturité artistique qui interpelle, témoignant d’un message revendicateur puissant.

Nombreuses sont ses œuvres qui dressent un constat souvent acerbe et désillusionné de la société et on retrouve dans ses toiles une vibrance brutale. Basquiat icône de mode idolatré, exprime visuellement et avec style cet esprit de revendication qui rappelle un mouvement similaire et émergent à la même époque à New York, le Hip-hop. Au milieu des constructions et des grattes ciel, se dresse désormais quelque chose de sauvage. Il sera entre autre une source d’inspiration tout au long de la carrière du groupe a Tribe called Quest qui revendique une appartenance forte à son style coloré. On pourrait penser de lui qu’il avait vu venir l’ascension de la contre culture urbaine. Par son argot et ses codes visuels, Jean-Michel Basquiat parlait à tous ceux qui accepteraient de le comprendre. 

Le voyage comme inspiration

Alors âgé de 26 ans Basquiat se rend pour la première fois en Afrique où il expose à Abidjan. Ce voyage marquera un tournant dans son approche créative et le look qu’il arborera dans la suite de sa carrière. C’est précisément cette attitude naturelle qu’il cultivera jusque dans son style capillaire. Iconique au point d’être devenue sienne, une coupe de cheveux colle aujourd’hui à l’image du peintre, des dreadlocks à demi entretenues qui semblent flotter comme suspendues dans les airs. Toujours aussi reconnaissable plus de 20 ans après sa mort, cette coupe que beaucoup pourraient qualifier de visible et désordonnée ramène à une forme évidente de questionnement. Pourquoi Basquiat est-il le premier et jusqu’a ce jour le seul, artiste peintre noir acclamé dans le monde entier ? Une affirmation qu’il revendiquera dans ses toiles où il représente une figure sombre ornée d’une couronne qui deviendra sa marque.

Si le personnage Basquiat reste aussi intemporel que son œuvre, c’est certainement dû à sa révulsion profonde de l’ennui. Rejetant l’idée que l’on puisse un jour se lasser, ses cheveux ont participé à cet héritage. Le chanteur The week-end revendique cette appartenance capillaire. Tout comme son homologue, il partage l’idée certaine de briser les barrières en cherchant à toucher une audience multiple. C’est précisément ce que fera Jean-Michel Basquiat tout au long de sa carrière. “Je veux qu’on se rappelle de moi comme étant une icône différente”. En renvoyant le spectateur à cette perception publique du “Sauvage Traditionnel”, il aura visuellement milité pour un à retour à l’essentiel. À travers son art et les coiffures arborées durant sa vie, il a permis tout au long de sa carrière d’encrer dans l’inconscient collectif l’image décomplexée d’un homme urbain détonnant avec les canons occidentaux. Grâce à un style maitrisé, son Africanité s’est habilement mélangée à la pop culture américaine et il n’est pas rare de nos jours de voir des lycéens aux coupes de cheveux qui rappellent celle du peintre.

Lorsqu’il graphait encore sous le pseudonyme de Samo dans les rues de New York, se doutait-il qu’il allait laisser une trace qui ne s’effacerait jamais. On est en droit d’en douter, reste que le jeune homme, s’il n’est plus ce punk au crâne rasé, est bel et bien une icône rare, comme le monde en accueille parfois. La question à se poser est alors, plus précise, plus évidente : Basquiat était-il l’œuvre d’art ou l’artiste ? Aout 2021 à l’heure ou les réseaux sociaux s’affolent devant Jay Z et Beyoncé posant avec une de ses toiles n’ayant jamais été exposée, il plane sur la culture visuelle l’aura de cette icône dont on est encore bien loin de s’ennuyer.

 


 
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